La majorité de ces documents (421 notices sur 427) représente les réponses des instituteurs à deux enquêtes départementales lancées par l'inspection d'académie en 1862 et en 1874. Chaque instituteur devait décrire en détail sa commune d'exercice : toponymie, démographie, géographie physique, économie, histoire et faits importants….
En 1862, il s'agit de compléter une notice pré-imprimée de 4 pages présentant les caractéristiques de la commune. A l'origine de cette première enquête, on trouve une circulaire de l'inspecteur d'académie du 1er mai 1862 qui détermine l'apport essentiel de l'enseignement de la géographie (discipline nouvelle dont on peut se méfier) pour lutter contre l'exode rural. En effet, il faut apprendre aux enfants à connaître et à aimer « le centre qui les a vus naître » afin qu'ils deviennent si attachés à leur terroir qu'ils souhaitent plus tard s'y fixer.
L'enquête de mai 1874 demande aux instituteurs de réaliser une carte de leur commune, accompagnée d'une notice détaillée de forme libre. Cette fois, les travaux sont à replacer dans le contexte national traumatisant de la défaite de 1870 : les autorités veulent désormais redonner aux enfants le goût de leur « petite patrie » pour inciter les générations montantes à mieux la défendre.
Les monographies lozériennes d'instituteurs représentent certainement une des plus anciennes séries de ce type de documents. Dans les autres départements elles n'apparaissent généralement qu'après 1880. Une telle collection offre donc un intérêt exceptionnel à plusieurs titres. Elle permet de dresser un panorama quasi complet du territoire (seules deux communes Luc et Malbouzon sont dépourvues de notices) entre le Second Empire et le début de la IIIe République, période charnière pour la Lozère dominée par l'ampleur de l'exode rural.
En 1862, 181 communes sur 198 (91,4 % du département) ont été étudiées contre 169 en 1874 (85,3 % du territoire).
48 communes ont fait l'objet de plusieurs études par les différents instituteurs de hameaux. Le Pont-de-Montvert a fait l'objet de sept monographies différentes ! De plus, pour certaines petites localités trop souvent oubliées, ces monographies représentent l'unique source historique existante (Fraissinet-de-Lozère par exemple avec 4 études). Il est à noter que les travaux concernant les communes plus importantes (Mende, Marvejols, Florac...) offrent souvent peu d'intérêt.
La qualité des enquêtes varie bien sûr selon l'investissement des auteurs, certains les enrichissent de dessins, de récits tirés d'enquêtes orales... La connaissance de quelques faits historiques nous est parvenue uniquement grâce à leurs mentions dans ces notices. Sur le plan linguistique, on peut remarquer qu'en 1862 l'administration ne rejette pas l'usage du patois car les toponymes doivent être donnés à la fois en français et en occitan. Au niveau de la géographie administrative, les enquêtes s'appuient sur les recensements de la population de 1861 et 1872, informations bien connues des instituteurs qui étaient souvent aussi agents recenseurs. Les données économiques énumèrent les produits du sol, le nombre de moulins, citent toutes les industries présentes sur le territoire. Ces années voient la création du réseau vicinal lozérien, l'inventaire des chemins est particulièrement fouillé.
Globalement, ces documents représentent donc une mine d'informations pour l'histoire de la Lozère. Leur étude sérielle permet de disposer d'une photographie exacte du département à la fin du XIXe siècle (géographie humaine, physique, économique, administrative…).
À partir des années 1880, la rédaction de monographies se généralise partout en France, Il s'agit alors de travaux exécutés par des volontaires, comme les trois monographies de 1883 vraisemblablement rédigées pour concourir à l'exposition scolaire régionale.
Dans un souci d'exhaustivité, cette base intègre aussi les quelques études plus tardives qui ont été rédigées par certains instituteurs passionnés d'histoire locale désireux de participer à l'Exposition Universelle de Paris en 1900. Les meilleurs travaux ont été offerts au préfet pour la bibliothèque départementale.
Chasseradès et Saint-Pierre-Le-Vieux ont été décrites par Jean Barrandon dans un livret manuscrit qui contient aussi une notice générale sur la Lozère (1 J 411).
La monographie d'Auroux par Jean Favier (EDT 010 R 1) a fait l'objet d'une publication en 1910 (Delta 61).
Cet auteur a longuement étudié Saint-Etienne-du-Valdonnez, manuscrit actualisé jusqu'en 1919 (4° 749).
Nous avons choisi de présenter les 4 exemplaires de la monographie de Jean-Henri Ferrand sur Lanuéjols, du brouillon (F 784) à la notice soignée destinée à la bibliothèque départementale (Delta 266) en passant par deux manuscrits intermédiaires (Delta 264-265).
Une mono-démographie agricole a été consacrée au Chastel-Nouvel par ce même instituteur (un exemplaire tiré de son dossier de carrière 1 T 1218) et celui, remanié, destiné au préfet ( Delta 11).