7 U 1/1 - 7 U 1/8 Fonctionnement du tribunal (an IX-1813)
7 U 1/9 - 7 U 1/13 Décisions de justice, jugements de compétence et arrêts (an IX-1811)
7 U 1/14 - 7 U 1/122 Dossiers de procédures (an VI-1814)
Intérêt du fonds et orientation de recherche
La majeure partie des documents (80 %) concerne les dossiers de procédure criminelle. Les décisions de justice (jugements de compétence et arrêts), les documents liés au fonctionnement (installation et prestation de serment des juges, correspondance, délibération) constituent une partie moins importante.
La richesse de ces documents permet une connaissance non seulement de la criminalité traditionnelle (assassinats, meurtres, brigandage...) mais aussi des oppositions politiques au pouvoir : violences contre la gendarmerie à l'occasion de la conscription militaire, faux en écriture…
Exploitation des documents
Les dossiers de procédures
Description dans le corps du répertoire
L'analyse comprend : le nom de l'accusé, son prénom, parfois son surnom (très utile pour une étude linguistique), très souvent son âge et sa profession (s'ils sont mentionnés sur le dossier). C'est un élément important pour qui veut étudier la criminalité. La description est complétée par le domicile de l'accusé s'il est différent du lieu du crime. Le nom de la commune est entre parenthèses si le lieu est un hameau. Suivent ensuite, le chef d'accusation, la date du premier procès-verbal de l'officier de police judiciaire (découverte du crime), et celle du dernier (procès-verbal de signification de la procédure à l'accusé avant le jugement ou procès-verbal d'exécution de la sentence).
Présentation quantitative
Le chercheur pourra étudier 105 procédures. Comme pour les dossiers de procédures du tribunal criminel et de la cour d'assises, un numéro apparaît souvent sur la première pièce de la liasse. Il est difficile de savoir si le dossier est numéroté avant ou après son orientation vers le tribunal spécial. L'estimation du nombre de procédures conservées par rapport à cette numérotation est donc impossible. Quoiqu'il en soit les arrêts concernant les quatre dernières procédures ne sont pas inscrits dans le registre correspondant. Deux procédures concernent des crimes qui ont été commis en Ardèche ; la cour de cassation ayant renvoyé le jugement en Lozère.
Présentation qualitative
Très souvent le dossier de procédure contient un feuillet sur lequel sont mentionnés et numérotés tous les actes de l'instruction : procès-verbaux, mandat de dépôt, cahier d'information, acte d'accusation... Une courte liste des pièces à conviction est quelquefois jointe au dossier.
Les principaux documents
- Le procès-verbal qui constate le crime est le premier document. Il peut s'agir d'une dénonciation, d'une plainte, d'une constatation du juge de paix etc. Cette pièce est transmise au magistrat de sûreté qui exerce seul le droit de poursuite ;
- Le mandats de dépôt contre le ou les prévenus ;
- Les procès-verbaux d'interrogatoire subis par le ou les prévenus à la prison ;
- Les cédules par lesquelles se font les citations à témoins, lesquels sont convoqués devant le juge en vue d'un interrogatoire ;
- Le cahier d'information qui contient les déclarations des témoins.
Sur le vu de la dénonciation, de la plainte, et des premiers éléments du dossier, le commissaire du gouvernement (ou le magistrat de sûreté, ou son substitut, ou le procureur, plus tard sous l'Empire) chargé de la police judiciaire communique la procédure au tribunal spécial. Ce dernier examine les charges qui pèsent sur l'accusé (déjà en prison), entend le commissaire du gouvernement et « juge sa compétence sans appel » (article 24, Titre III de la loi du 18 pluviôse an IX). S'il déclare ne pouvoir se prononcer sur le crime ou le délit, il renvoie l'accusé et les actes du procès devant une autre juridiction. Dans le cas contraire il procède à l'instruction et au jugement.
- Le jugement de compétence est donc une pièce essentielle du dossier. Il s'agit d'un extrait des registres du greffe, la minute se trouvant dans les registres reliés que nous aurons l'occasion de décrire plus loin. Il y est fait mention de toutes les pièces visées par les magistrats.
1 - La description du délit
2 - Le cahier d'information qui contient les déclarations des témoins
3 - Le mandat de dépôt décerné par le procureur
4 - L'interrogatoire du prévenu par le président de la cour
Le document se termine par le jugement lui-même. La cour, après avoir entendu le procureur, et visé les articles de la loi, juge sa compétence sans appel. Le prévenu incarcéré à la maison de justice en est immédiatement informé.
- L'arrêt de la cour de cassation
Le commissaire du gouvernement (sous l'Empire, le procureur) fait parvenir au tribunal de cassation (sous l'Empire, la cour de cassation) le jugement de compétence. La section criminelle de cette juridiction se prononce sur la légalité de ce jugement et soit en ordonne l'exécution, soit désigne un nouveau tribunal qui reprend la procédure. Cette formalité ne suspend ni l'instruction ni le jugement. Mais l'exécution du jugement ne peut avoir lieu si le tribunal de cassation n'a pas fait connaître sa position (article 27, Titre III de la loi du 18 pluviôse an IX).
- L'acte d'accusation
Il s'agit, là aussi, d'un document essentiel qui établit parfaitement la chronologie des faits. Il est rédigé par le Commissaire du gouvernement (sous l'Empire, par le procureur) après le jugement de compétence auquel il fait référence. Il mentionne le mandat de dépôt, l'interrogatoire du prévenu, et cite longuement les détails contenus dans les procès-verbaux de gendarmerie à charge pour le prévenu. Ce document est ensuite présenté, avec les principales pièces citées, au tribunal spécial pour éclairer les magistrats.
Comme pour les fonds du tribunal criminel et de la cour d'assises, l'examen des dossiers de procédures du tribunal spécial permet d'étudier de nombreux aspects de la criminalité lozérienne : l'identité, l'origine sociale des accusés, leur niveau d'alphabétisation et leur comportement devant les magistrats.
Comme nous l'avons souligné pour les précédents fonds, tout en approchant la connaissance de la société rurale de ce département, le chercheur va mesurer les rapports tendus que la population entretient avec les autorités. Sur la totalité des procédures analysées, 23 % concernent des infractions militaires (arrestation, enlèvement, évasion de conscrit réfractaire), 17 % concernent le brigandage, le pillage et les violences contre la gendarmerie. La Lozère supporte mal la conscription militaire. Les jeunes gens enlevés à leurs terres, à leurs villages, à leurs familles s'y opposent par tous les moyens y compris la mutilation. Ce refus est souvent à l'origine de la fabrication de faux papiers, voire d'émeutes face aux gendarmes qui viennent chercher les déserteurs ou les réfractaires, cachés avec la complicité des villageois.
Le brigandage est endémique dans le département. Dès l'an II de nombreux attentats à main armée sont commis soit par les proscrits royalistes, soit par de réels brigands qui opèrent par groupes isolés. Les autorités ont les pires difficultés à venir à bout de ces bandits de grand chemin qui connaissent parfaitement le pays.
Il faut également souligner la persistance d'une vive opposition à la vente des biens nationaux, dont les acquéreurs sont souvent maltraités. La Lozère conservatrice n'a pas accepté, ni l'ordre établi par la Révolution, ni le recrutement militaire imposé par l'Empire.
Les décisons de justice
Elles sont de deux ordres : les jugements de compétence et les arrêts de la cour. Pour les premiers, il s'agit des minutes précédées d'une rubrique. Nous avons décrit précédemment leurs extraits qui sont dans les dossiers de procédures. Les arrêts de la cour sont lacunaires pour la période mai 1811 - mars 1814. Ce document est relativement bref, car la procédure est orale. Il y est fait mention uniquement de la chronologie de la procédure : d'abord le premier interrogatoire qui porte sur l'identité du prévenu, puis viennent la lecture de l'acte d'accusation, la présentation de la liste des témoins, leur interrogatoire, le réquisitoire du procureur, la plaidoirie du conseil, enfin la délibération des juges. Il n'y a pas de jury, ni de possibilité pour l'accusé de se pourvoir en cassation.
Les historiens ont noté des différences dans les jugements rendus par les tribunaux de l'an IX et ceux de l'an X. Les premiers paraissent plus sévères que les seconds. Ils se conforment à une justice napoléonienne très rigoureuse. Ceux de l'an X ont jugé peu de femmes du fait de la prépondérance des hommes dans le monde des faussaires.
Le fonctionnement du tribunal
Le premier document qui est l'extrait du procès-verbal d'installation du tribunal (1er prairial an IX - 21 mai 1801), mentionne les identités des juges militaires, nommés par le Premier Consul. L'évolution de la composition de la juridiction est connue par les procès-verbaux de nomination des juges et des suppléants, et les prestations de serment. L'étude de la correspondance et des délibérations renseigne sur l'application de certains articles de la loi du 18 pluviôse an IX (7 février 1801).